Orphelins de Duplessis

le 1er mars 1999


Le Comité des orphelins de Duplessis - Qui devrait avoir honte ?

Trois orphelins de Duplessis se sont présentés aujourd'hui pour raconter publiquement les traitements atroces qu'ils ont subis lorsqu'enfants, ils étaient alors sous la tutelle du Gouvernement du Québec et internés dans des institutions catholiques. C'est à l'occasion d'une conférence de presse que le Comité des orphelins de Duplessis a fait entendre ces témoignages et déposé les preuves devant les médias, soit des documents d'époque et des dossiers médicaux. Le Cardinal Jean-Claude Turcotte qui, récemment demandait qu'on fasse la preuve de ces abus, fut invité mais n'était pas présent. Le Premier Ministre Lucien Bouchard, lui aussi invité, était absent. Lui, qui a pourtant déclaré à maintes reprises qu'il s'occupait personnellement de ce dossier. Le Cardinal Turcotte suscitait récemment la controverse en niant les nombreux abus commis lorsque, durant les années 40 et 50, près de 3 000 enfants naturels ou enfants nés dans la pauvreté furent confiés au Gouvernement du Québec, placés dans des institutions catholiques et faussement déclarés débiles mentaux afin que l'Eglise puisse profiter de subventions gouvernementales. Il est à noter que les institutions catholiques pouvaient toucher trois fois plus d'argent pour la garde d'un enfant qualifié de malade mental que pour celle d'un enfant normal. Ces enfants ont vécus de nombreux sévices psychologiques, physiques et sexuels et ont de plus vécu la honte reliée aux circonstances troublantes entourant leur naissance. Malgré que le Cardinal dit se porter à la défense des communautés religieuses, il reconnaît aujourd'hui sa méconnaissance de ce dossier.

``On nous a appris à avoir honte de notre passé et même à se sentir coupable.'' a déclaré Bruno Roy, président du Comité des orphelins de Duplessis. ``Alors que c'est l'Eglise catholique et le Gouvernement du Québec qui devraient avoir honte. Ce sont les gestes posés envers nous qui sont honteux. Un enfant, n'est-ce pas l'innocence même ! Alors dites-moi donc qui a péché ?'' Monsieur Roy, qui est lui aussi un orphelin de Duplessis, a rappelé que ce scandale est né sous le régime de Maurice Duplessis. ``Mais les tergiversations du Gouvernement Bouchard aujourd'hui en font une honte pour tout le Québec.'' a-t-il rajouté. Une des victimes qui témoignait, Madame Clarina Duguay, a raconté comment, à l'âge de 12 ans, une religieuse pédophile l'agressait sexuellement lors de son séjour dans un asile psychiatrique à l'hôpital St-Julien-de-Ferdinand. Celle-ci responsable de la toilette des enfants ne lavait en fait que ses seins, elle lui aurait même dit : ``Tu peux laver ton propre dos. "

On a entendu aussi le témoignage de Monsieur Hervé Bertrand qui a été sodomisé, une trentaine de fois, alors qu'il n'avait que onze ans, par un employé des Soeurs au Mont-Providence. Monsieur Bertrand a déclaré être prêt à se soumettre au test du polygraphe, à l'effet qu'il fut violé et violenté à maintes reprises pendant son séjour dans cette institution, encore notoire aujourd'hui. De plus, le dossier de Monsieur Bertrand (tout comme bien d'autres orphelins de Duplessis) le décrit comme débile mental, ce qui fut réfuté par un psychiatre en 1994, qui écrit : ``A notre avis, l'admission de Monsieur Bertrand a été faite pour des raisons sociales; il ne présentait aucune pathologie psychiatrique ni retard mental.'' Suite aux démarches du Comité, il semblerait que le Collège des médecins du Québec annoncera sous peu un mécanisme pour corriger leurs dossiers médicaux qui les étiquettent encore aujourd'hui malades mentaux. Lors d'un touchant témoignage Myriam Kelly, une autre victime, a témoigné qu'elle a été placée dans une cellule, attachée en camisole de force, injectée avec une drogue anti-psychotique et contrainte par une soeur d'avaler une souris. Elle a de plus témoigné qu'elle fut gravement battue à plusieurs reprises. Le dossier médical qu'elle a déposé indique notamment qu'elle fut frappée à coup de marteau. Le témoignage d'une soeur, recueilli dans un article de magazine, fut lu. Celui-ci témoigne que des enfants de 2 à 13 ans furent battus à grands coups de courroie de cuir, en plus d'endurer des douches glacées et des tortures. Certains soirs, elle ne pouvait dormir, tellement elle était perturbée de voir 80 enfants se bercer toute la journée, sans aucune activité. Résultat dit- elle : on rendait malade une personne qui ne l'était pas. Elle en a même parlé à la mère supérieure, qui n'était pas surprise de ses commentaires. Finalement le Dr Jean Gaudreau, un psychologue qui a publié les souvenirs de sa visite à l'hôpital psychiatrique du Mont-Providence en 1961, a raconté comment il fut bouleversé lors de sa première journée de travail : un enfant âgé de 5 ans était en camisole de force attaché à la tuyauterie du lavabo et il a dû insister auprès de la soeur responsable pour qu'il puisse enfin le libérer, car elle le disait violent et il ne l'était pas.

Le Comité des orphelins de Duplessis a demandé une enquête publique au Gouvernement du Québec. Le Cardinal Turcotte a déclaré dans l'édition de samedi dernier de La Presse, qu'il participerait volontiers à une enquête publique sur ce dossier si c'est la meilleure façon d'établir la vérité. Néanmoins, il a ajouté: ``Je crois toujours que les mauvais traitements, s'il y en a eu, étaient des cas isolés''. De son côté, le Gouvernement Bouchard reste muet.


Le Cardinal Turcotte aura ses preuves!
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