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Les orphelins de Duplessis ont bien ri en entendant une blague commise aux dépens de Lucien Bouchard, mais ils ont trouvé que l'ancien premier ministre manifestait beaucoup plus de sollicitude à l'endroit des religieuses qu'à leur égard.
«Sur un simple appel, Me Bouchard se montre tout disposé à aider une soi-disant religieuse qui affirme avoir volé des petites culottes, a déclaré mercredi Bruno Roy, porte-parole du Comité des orphelins de Duplessis. Il était moins empressé d'aider les orphelins qui ont été exploités par des congrégations religieuses.»
Jeudi dernier, à 15h, Robert Gillet, animateur au poste de radio CJMF-FM à Québec, téléphone au cabinet d'avocats Goodman, Phillips et Vineberg, où travaille Me Bouchard depuis son départ du gouvernement.
M. Gillet joue des tours depuis des années. Cette fois-ci, il se fait passer pour soeur Simone Plourde, membre des Soeurs de la charité, une congrégation qu'a défendue Me Bouchard, jadis, lorsqu'il pratiquait le droit, avant de se lancer en politique.
L'ancien premier ministre n'hésite pas et prend l'appel. «Soeur Plourde» lui confie qu'elle a commis un vol à l'étalage. Me Bouchard pose une série de questions: une plainte a-t-elle été déposée? Un procureur de la Couronne a-t-il été saisi du dossier? La religieuse précise que personne ne l'a vue, sauf Jésus.
Me Bouchard lui conseille de rendre l'objet du délit. Soeur Plourde bredouille. Le compatissant avocat laisse entendre qu'il pourrait offrir ses services: «Ma soeur, en principe, dans ce genre de situation, il y a une tierce personne, un avocat qui est sous... qui a le... qui vous garantit le secret professionnel, qui va voir... soit va voir le magasin en question ou alors fait une donation à une oeuvre pour compenser.»
«Me Bouchard, répond la fausse religieuse, je ne peux pas donner l'objet à une oeuvre... J'ai volé des petites culottes.» «Bon, ben c'est pas grand-chose, commente l'ancien premier ministre. On parle de combien en valeur?» «Ah! d'avouer la religieuse, c'était 4,25$... Comment je vais faire pour remettre les petites culottes?»
Me Bouchard lui conseille d'aller voir un prêtre. Soeur Plourde hésite. Elle donne des précisions: «Elles sont rouges. Il y avait des petits frous-frous.» «Rencontrez un prêtre qui a votre confiance, puis confessez-vous de la chose et demandez-lui conseil, réplique Me Bouchard. Vous pouvez lui dire que c'est moi qui vous ai conseillé d'aller le voir, hein! Et puis si vous pensez me rappeler ensuite, vous me rappellerez après l'avoir vu. Peut-être que ce ne sera pas nécessaire parce qu'il pourra très bien vous donner un conseil qui va terminer tout ça. Il va vous demander d'offrir ça au bon Dieu...»
«Mais Me Bouchard, je les ai volées parce que... j'ai un amant.» «Ah oui! ça c'est plus... oui, je comprends», compatit Me Bouchard. Au bout du compte, soeur Plourde avoue que cet amant n'est nul autre que Robert Gillet, un animateur de radio. L'affaire se termine dans la bonne humeur.
«Vous avez été d'une grandeur d'âme, d'une gentillesse avec cette pauvre soeur, absolument extraordinaire», le félicite M. Gillet. «D'habitude, j'ai pas la tête dure, puis j'ai le sens de l'humour, donc il doit y avoir quelque chose de spécial à cette affaire-là pour que je réagisse comme je réagis», explique l'ancien premier ministre.
Bref, tout le monde a ri, y compris Bruno Roy, porte-parole du Comité des orphelins de Duplessis, quand il a lu la transcription de l'entrevue. «Il s'agit d'une bonne blague, a-t-il dit, au cours d'un entretien mercredi. Mais je ne peux pas m'empêcher de trouver que cet avocat, qui réclame sûrement de forts honoraires, n'hésite pas deux secondes à consacrer de longues minutes à conseiller une religieuse qu'il ne connaît même pas, pour un problème ridicule.
«J'ai toujours été convaincu que M. Bouchard a manqué de jugement dans notre dossier. Le préjugé favorable à l'endroit des communautés religieuses lui a fait perdre son objectivité et l'a rendu très émotif. S'il n'avait pas abordé notre dossier de façon aussi personnelle, il aurait eu un meilleur jugement.»
Me Bouchard, qui a toujours refusé d'ouvrir une enquête publique sur le cas des orphelins de Duplessis, n'a pas voulu commenter ces critiques. Sa secrétaire a rappelé que l'ancien premier ministre n'accorde aucune entrevue aux journalistes.