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DUPLESSIS' ORPHANS

November 16, 1999


OPEN LETTER BY THE DIONNE SISTERS TO PREMIER BOUCHARD AND THE QUEBEC ASSEMBLY OF BISHOPS

We have chosen to communicate with you through the media because, as committed citizens, we can no longer tolerate the unjust position you have taken in the Duplessis Orphans issue. Having ourselves suffered a provincial government's institutional abuses and having seen a part of our lives shattered by a government's negligence, we ask you to intervene as soon as possible in this matter that has dragged on for nearly seven years, not just with compassion but with justice in mind. It is a cry that comes from the heart. We are imploring you: Give back to the Duplessis Orphans, these victims who were illegally interned in psychiatric asylums, their dignity. It is inconceivable that a just, democratic and modern society such as ours refuses to recognize historic facts. To turn the page, as you, Mr. Bouchard, have suggested, without first properly reading it, is disgraceful. These children were subject to much more than "unacceptable acts," as you qualified them yourself in your lame apology, for these acts altered the path of their lives forever. These victims may be weak, but they take strength from the knowledge that they are in their right, and from their desire for truth and justice: let it finally be recognized that their lives were destroyed by unjustified incarceration in psychiatric asylums, when the only reason for this incarceration was the circumstances surrounding their birth. Mr. Bouchard, you supported our cause and our request for compensation when it was the Ontario government in the hot seat; how do you now explain your refusal to the Duplessis Orphans? How do you justify such a ridiculous assistance fund of a mere $1000 per victim? If Quebec as a whole benefits from the good acts of the past, then why is it not accountable for the horrors of this same past?

To Cardinal Turcotte: you too supported us in a letter when we sought justice from the Ontario government for our illegal internment. How can you now apply this double standard? Are there two kinds of justice, two kinds of moral behaviour — one applicable to your neighbour and another when it concerns your interests? Gentlemen, you must examine your conscience and grant justice once and for all to these innocent victims.

Did not an independent entity, the Quebec Ombudsman's Office, publish a complete report on the situation over two years ago? We read this report, and its conclusions regarding compensation for the victims are crystal-clear. According to a compensation approach "without regard for responsibility," such compensation must necessarily be granted to the victims, as has been done everywhere else in Canada. It is out of the question for victims to appeal to charity organizations, as suggested by the Bishops, because when there is justice, there is no need for charity!

We would like to say to the thousands of sisters who acted with devotion, whom we met, whom we grew close to, and whom we respect tremendously, that there is no shame in saying out loud what we all know: during that dark period, powerful men forced you to act in ways that had inhuman repercussions on the lives of the children you loved. The tragedy today is in letting these still powerful men — politicians, bishops, lawyers — act for you and impose their own law once again. In a press release issued September 27, the Duplessis Orphans' Committee made itself very clear: "In our quest for justice, our aim has never been to question the historic work and devotion of Quebec's religious communities."

It is neither acceptable nor worthy of you to allow these bishops to dodge their responsibility and to refuse to offer victims apologies under the pretence that such apologies would undermine the value of your work. You are strong women able to stand up to and oppose this huge injustice. We must fight together to remove this stain on Quebec's collective history.

To the victims who have greatly suffered, our thoughts turn to you. You can count on our unfailing support. Never be afraid to fight such injustice. Do not allow those who would wish to silence you forever a victory that would defy all logic, morality and respect of your most basic human rights.

If we have come out of the shadows once again, when all our adult lives we have sought privacy, it is because this situation touches the core of our beings. We could no longer remain silent in the face of this tragedy. We therefore call on our fellow citizens to voice their disagreement with the Quebec government's and clergy's position toward these innocent victims. In doing so, Quebec can only grow, for the society we leave to our children will thus be stamped with justice. We would like to conclude with a quote from Margaret Mead: "Never doubt that a small group of dedicated individuals can change the world… indeed, it's the only thing that ever has."

Annette Dionne Cécile Dionne Yvonne Dionne


ORPHELINS DE DUPLESSIS


LETTRE OUVERTE DES SOEURS DIONNE AU PREMIER MINISTRE BOUCHARD ET À L'ASSEMBLÉE DES ÉVÊQUES DU QUÉBEC

Messieurs,

Si nous choisissons de communiquer avec vous par la voix des médias, c'est qu'en tant que citoyennes engagées, nous ne pouvons tolérer plus longtemps vos positions injustes dans le dossier des orphelins de Duplessis. Ayant nous-mêmes subi des abus institutionnels d'un gouvernement provincial et ayant vu une partie de nos vies brisées par l'incurie d'un gouvernement, nous vous demandons d'intervenir rapidement dans ce dossier, qui traîne depuis près de sept ans, non seulement avec compassion mais en toute justice. Nous vous lançons un cri du coeur. Nous vous implorons : Rendez aux orphelins de Duplessis, à ces victimes qui furent illégalement internées dans des asiles psychiatriques, leur dignité. Il est impensable qu'une société juste, démocratique et moderne comme la nôtre refuse la lecture de faits historiques. De tourner la page, comme vous l'avez suggérée Monsieur Bouchard, sans avoir au préalable assuré sa lecture nous semble ignoble. C'est bien plus que " des gestes inadmissibles ", comme vous les aviez qualifiés vous-même lors de vos plates excuses, qui ont été posés envers ces enfants, car ces gestes ont à tout jamais modifié le cours de leur vie. Évidemment, les victimes sont faibles mais elles sont animées par la force de savoir qu'elles ont raison, par leur désir de justice, de vérité : que l'on reconnaisse enfin que leurs vies ont été détruites par leur incarcération injustifiée dans des asiles psychiatriques ayant pour seule raison, les circonstances de leur naissance. Monsieur Bouchard, vous qui avez appuyé notre cause, notre demande d'indemnisation lorsqu'elle mettait sur la sellette le Gouvernement de l'Ontario, comment expliquez-vous aujourd'hui ce refus aux victimes ? Comment justifier un si ridicule fonds d'aide en services, équivalant à un maigre 1 000 $ par victime ? Si tout le Québec est tributaire des bons coups du passé, comment ne le serait-il pas des horreurs d'un même passé ?

Au Cardinal Turcotte, nous disons ceci : vous aussi, qui nous appuyiez par lettre dans nos démarches afin d'obtenir justice pour notre internement illégal par le Gouvernement de l'Ontario, comment pouvez-vous aujourd'hui appliquer deux poids, deux mesures. Y aurait-il deux justices, deux morales, l'une acceptable, lorsqu'il s'agit du voisin et l'autre inapplicable, lorsqu'elle nous concerne ? Vous devez, Messieurs, faire votre examen de conscience et rendre justice une fois pour toute à ces innocentes victimes.

Une entité indépendante, le Protecteur du Citoyen du Québec, n'a-elle pas publié il y a de cela plus deux ans un rapport complet sur la situation ? Nous l'avons lu, et ce rapport est clair et limpide quant à l'indemnisation des victimes. Selon une approche d'indemnisation " sans égard à la responsabilité " une telle indemnisation doit être nécessairement versée aux victimes comme cela c'est fait partout ailleurs au Canada. Il n'est pas question pour celles-ci de s'en remettre aux oeuvres de charité, tel que proposé par Messieurs les Évêques, car là, où il y a justice, il n'y a aucun besoin de charité !

Nous aimerions dire aux milliers de religieuses qui ont agi avec dévouement, à ces femmes que nous avons connues de près et côtoyées, que nous respectons immensément, qu'il n'y a aucune honte à dire à haute voix ce que nous savons tous, à savoir : qu'en cette sombre époque, des hommes puissants vous ont obligé à poser des gestes qui ont eu des répercussions inhumaines sur la vie des enfants que vous aimiez. Le drame aujourd'hui, est de laisser ces hommes toujours puissants, politiciens, évêques, avocats, agir et imposer encore une fois leur loi, à votre place. Le Comité des orphelins de Duplessis, dans un communiqué rendu public le 27 septembre dernier, l'a bien souligné : " Il n'a jamais été question, dans notre recherche de justice, de remettre en cause l'oeuvre historique et le dévouement des religieuses du Québec. "

Permettre aux évêques de s'esquiver, de refuser de présenter des excuses aux victimes en prétextant que de telles excuses remettraient en cause votre travail, n'est ni acceptable, ni digne de vous. Vous êtes des femmes de têtes suffisamment fortes pour vous imposer et vous opposer à cette grande injustice. Il faut lutter ensemble et corriger cette tache de l'histoire collective du Québec.

Aux victimes, qui ont tant souffert, nos pensées vont vers vous. Vous pouvez compter sur notre support indéfectible. N'ayez jamais crainte de vous battre face à une telle injustice, ne permettez pas, à ceux qui voudraient vous faire taire à tout jamais, une victoire qui défierait toute logique, moralité et respect de vos droits humains les plus élémentaires.

Si nous sortons à nouveau de l'ombre, que nous avons recherchée tout au long de notre vie adulte, c'est que cette situation nous concerne au plus profond de nous-mêmes. Nous ne pouvons garder plus longtemps le silence devant l'étendue de ce drame. Nous invitons tous nos concitoyens à élever leur voix et à faire connaître leur désaccord vis-à-vis la position du Gouvernement et du Clergé envers les victimes. Le Québec n'en sortira que grandi, car le modèle de société que nous léguerons à nos enfants sera empreint de justice et l'Histoire peut encore être réécrite. Permettez-nous de terminer en citant Madame Margaret Mead : " Ne doutez jamais qu'un petit groupe de citoyens soucieux et impliqués peuvent changer le cours de l'histoire. En fait, cela reste la seule façon de faire changer les choses. "

Annette Dionne Cécile Dionne Yvonne Dionne