DUPLESSIS' ORPHANS

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Le mardi 30 mai 2000


Tendre la main aux orphelins de Duplessis

Bernard Descôteaux

Aujourd'hui sera déposée à l'Assemblée nationale une pétition signée par 22 000 Québécois qui demandent à leur gouvernement de se montrer sensible à la situation des orphelins de Duplessis. Voilà une occasion que devrait saisir le premier ministre Lucien Bouchard pour renouer le dialogue avec ces victimes d'une époque peu glorieuse de notre histoire qui attendent de la société réparation pour les injustices et les sévices dont elles ont été l'objet.

L'appel que lancent les signataires de cette pétition est largement partagé. Un sondage récent a montré que les Québécois sont majoritairement d'avis que les excuses publiques offertes par le premier ministre le 4 mars 1999 ne sauraient être complètes sans cette réparation. C'est la seule façon de redonner à ces victimes d'un système de services sociaux et de santé défaillant la dignité à laquelle elles ont droit.

Il est difficile de comprendre le refus des autorités gouvernementales, religieuses et médicales d'assumer la part de responsabilité qui leur revient. On devine leur réticence à accepter une faute qui relevait davantage d'un système et d'une époque que d'individus et d'institutions. «On ne peut pas refaire l'histoire», soutenait déjà le ministre responsable de ce dossier, Robert Perreault, pour justifier sa position. Au gouvernement, aux religieux et aux médecins, il faut rappeler que l'histoire a, dans ce cas-ci, laissé des blessures indélébiles qui, à défaut de pouvoir être effacées, doivent être pansées par les institutions qui ont concouru à interner en hôpitaux psychiatriques des gens sains d'esprit.

L'attitude de refus manifestée à l'endroit des orphelins de Duplessis a provoqué une juste colère chez leurs porte-parole. Leur ton vindicatif n'a fait que braquer les parties et rendre tout dialogue impossible. L'arrivée dans ce dossier du comité d'appui que préside l'ancien ministre péquiste Denis Lazure, a permis de ramener le débat à l'essentiel qui est la réparation pour les victimes plutôt que l'expiation pour les responsables de ce drame.

La réparation peut difficilement prendre d'autres voies que le dédommagement financier qui avait été recommandé par le Protecteur du citoyen et par un comité de l'Assemblée nationale dans un rapport unanime à ce sujet. Plus récemment, c'est la Commission du droit du Canada qui insistait sur ce point. Ce dédommagement est d'autant plus nécessaire que les orphelins de Duplessis continuent de subir les conséquences de leur internement qui les a privés d'un accès à la formation. Faute de pouvoir «refaire l'histoire», c'est la meilleure façon de les reconnaître comme des citoyens à part entière. Le moment est venu de faire un geste, de tendre la main. Le gouvernement prenant les devants, les autorités religieuses et médicales seront mal venues de ne ne pas faire preuve de compassion à leur tour.