DUPLESSIS' ORPHANS

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Lundi 28 mai 2001


Les centrales syndicales appuient les victimes

Raymond Gervais

Après dix ans d'attente, le dossier des orphelins de Duplessis pourrait enfin connaître un dénouement.

C'est du moins l'avis du docteur Denis Lazure, ex-ministre dans le cabinet de René Lévesque et président du Comité d'appui pour la justice aux orphelins de Duplessis. Ami de longue date du premier ministre Bernard Landry, Denis Lazure, qui participait dimanche en compagnie des chefs des trois grandes centrales syndicales à une conférence de presse annonçant l'appui des syndicats aux orphelins de Duplessis, se dit confiant que M. Landry ne laissera pas pourrir la situation davantage.

«Depuis 25 ans, nous avons des liens non seulement politiques, mais d'amitié. Je connais ses convictions et je suis certain que M. Landry n'a pas changé d'idée depuis un an, lorsqu'il disait «qu'il faudrait être borné pour ne pas réfléchir de nouveau à cette question là». Je suis confiant que le dossier puisse enfin se régler. Je suis optimiste et je pense que nous sommes devant un premier ministre qui veut régler le problème. De plus, l'appui que nous recevons aujourd'hui des trois centrales syndicales est un élément très important qui va, espérons-le, décider le gouvernement Landry à agir le plus tôt possible. Je n'ai pas dans le passé affiché d'optimisme débordant, mais j'ai un optimisme prudent aujourd'hui», a précisé le docteur Lazure.

Dimanche, Monique Richard, Henri Massé et Marc Laviolette, respectivement président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) et de la Centrale des syndicats nationaux (CSN), ont donné leur appui à la cause défendue par les orphelins de Duplessis. Les chefs syndicaux pressent le premier ministre Bernard Landry d'agir. En solidarité avec les orphelins qui ont été internés en moyenne durant une dizaine d'années dans des hôpitaux psychiatriques, les syndicalistes demandent à Québec d'offrir une compensation juste et équitable aux victimes, comme cela s'est déjà fait dans d'autres provinces canadiennes.

Interrogé à plusieurs reprises sur le montant de l'indemnité que Québec devrait accorder à chacun des orphelins, Bruno Roy, président du Comité des orphelins de Duplessis, a refusé de préciser un chiffre, se limitant à dire que «cela restera à déterminer, après que Québec aura reconnu ses torts».

M. Lazure a été plus précis, estimant que le montant de l'indemnité devrait, selon lui, se chiffrer entre 20.000$ et 30.000$ par personne. Ces sommes seraient l'équivalent des montants accordés dans les autres provinces.

Marc Laviolette a indiqué qu'on ne demandait pas une compensation pour l'ensemble des orphelins au Québec dans les années 1940 et 1950, mais pour quelque 1500 enfants qui ont été internés illégalement, grâce à un diagnostic médical falsifié qui allait à l'encontre des moeurs du temps, à l'encontre du Code civil et de la loi sur l'adoption de 1925. Nés hors mariage, non adoptés et majoritairement illégitimes, ces enfants furent privés de toute instruction ou de formation professionnelle.

En plus d'un dédommagement monétaire, les orphelins réclament une reconnaissance claire des faits tant par le gouvernement que par les autorités religieuses, ainsi qu'une correction des dossiers médicaux qui, encore aujourd'hui, déclarent débiles ou arriérés mentaux des individus sains d'esprit.

M. Roy se réjouit de l'intervention des trois centrales syndicales qui apportent aux orphelins l'appui de 900.000 personnes. On se souvient qu'un sondage réalisé il y a un peu plus d'un an, précise que près de 80% des Québécois appuient les revendications des orphelins de Duplessis.

«Ces gens-là ne sont pas uniquement victimes d'une injustice historique, mais qui se poursuit. Ces gens sont vivants et leurs conditions aujourd'hui est le résultat de ce qui s'est passé il y a près de 50 ans», a précisé M. Roy.

Rappelons que l'ancien premier ministre Lucien Bouchard avait offert une somme de 3 millions aux orphelins. Ces derniers avaient été insultés par cette offre et l'avait refusée.

Il faut préciser que la somme de 3 millions offerte était une réparation qui se donnait en services. Mais comme près des trois quarts des orphelins sont prestataires de l'aide sociale, ils avaient déjà accès gratuitement à ces services.

M. Lazure a ajouté que les orphelins demandent une réparation sans égard à la faute. «Je pense qu'un des facteurs qui a retardé le règlement, c'est le fait qu'on a cherché un coupable durant un certain nombre d'années, gouvernement, Église, communautés religieuses et médecins. Or, le rapport du Protecteur du citoyen est clair, il faut un règlement sans égard à la faute. Il y a des mécanismes de compensation de ce type au gouvernement et le temps est venu de régler la question sans recommencer les longues discussions, à savoir: qui a été le responsable.»